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Reflets du Passé

Actualité de l'auteur et de sa collection aux éditions Dualpha, ayant vocation à exhumer des textes toujours d'actualité. Thèmes abordés : Magie,illusionnisme, prestidigitation, ésotérisme. Pour tous contacts avec la rédaction de ce blog, pour poser vos questions, et pour être averti de nos nouvelles mises en ligne : refletsdupasse@gmail.com Attention tous les textes mis en ligne sur ce blog sont soumis au Droit d'Auteur.

vendredi 23 mai 2014

ROBIN au 49, Boulevard du TEMPLE (1862-1873) à Paris.


(Extrait de Paris, Capitale de l’Art Magique, © Richard Raczynski, éditions Dualpha, 2014.
Le magicien Robin, Henri Joseph Donckele (1811-1874) se présente dès 1852 comme un french wizard, à l’instar de Monsieur Le Bucke à Londres.
Il signera un contrat avec John Nevil Maskelyne (1839-1917) et George Cooke (1825-1905) pour une série de 306 représentations à l’Egyptian Hall de Londres.
De retour à Paris en 1862, il ouvre son propre théâtre Boulevard du Temple (décrit in La France du 19 janvier 1863).
Sur ce théâtre (encore au stade de projet), Mario Proth (1832-1891) écrit, en 1872, dans le journal hebdomadaire la Municipalité, Le Boulevard du Crime : « (…) À son côté, un autre théâtre peut- être ?
Robin, dit-on, demande la concession d’un terrain sur lequel il élèverait, à ses frais, pour le léguer plus tard à la Ville, une Salle de physique expérimentale avec bibliothèque. Voilà, je pense, un prestidigitateur enrichi qui sait être un citoyen utile. Pour son habile petit doigt, nous donnerions vraiment un boisseau de diplomates ».
Le théâtre brûlera comme celui de Robert-Houdin (période Boulevard des Italiens) :
L’Assurance, Guide de l’assuré publié en 1865 rapporte les faits : « (…) Nous trouverons une application de cette règle de prudence dans l’incendie qu’un géant a porté chez un sorcier : nous voulons parler du feu que le Café du Géant, sur le Boulevard du Temple, a communiqué à son voisin, le prestidigitateur Robin, puis à un photographe, voisin aussi, et qui, par une conséquence bien autrement fatale, a causé la mort d’une malheureuse femme ».
Les salles les plus importantes du Boulevard seront rétrospectivement : le Café Hanselin, le restaurant Deffieux converti en Bouillon Duval, l’Epi-scié, avec son enseigne représentant un moissonneur, le Théâtre Historique, transformé en 1849 en Théâtre Lyrique, le Cirque Olympique, les Folies-Dramatiques, les Délassements-Comiques, la Gaîté, les Funambules et le Petit Lazari.
En face, du côté nord les magasins du Pauvre Diable, le Café du géant (1851), où on exhibe en 1858, le géant Jean-Joseph Brice, et la Salle Robin.
Dans Le Gaulois, le chroniqueur Victorin Joncières glisse cette anecdote savoureuse, relative à la fréquentation du Boulevard du Temple : « (…) Un soir, au café des Folies-Dramatiques, un de mes camarades de collège, qui, comme moi, fréquentait le Boulevard du Temple, me présenta un grand jeune homme blond, au regard bleu, au teint rosé, portant beau. C’était le fils d’un marchand de meubles du Boulevard Sébastopol, il répondait au nom euphonique de Félix. Le nouveau venu me parut peu communicatif et d’une humeur taciturne qui contrastait singulièrement avec l’exubérance des habitués du lieu.
Il ne parle pas beaucoup Félix, dis-je, à part, à mon ami, en le quittant.
Oh ! tu sais, répondit-il, c’est un bon garçon, mais il est flemmard, il n’arrivera jamais à rien.
Je me rappelais ce pronostic mensonger, l’autre soir, où, entouré des ambassadeurs, des ministres et des généraux, à l’Elysée, le président de la république portait en sautoir le grand cordon de la Légion d’honneur et au cou le collier de la Toison d’Or ».
Plusieurs programmes figurent dans le Courrier des hôtels [puis] Guide du commerce réunis, Moniteur de l’exportation : le 8 août 1863 « Spectres vivants impalpables », le 11 avril 1865 : « Physique, Magie, Insectes vus au microscopes, Tableaux du Nil, Spectres », le 4 mai 1865 : « Physique, magnétisme et spiritisme dévoilés, chambre mystérieuse, tableaux de la mer », le 19 janvier 1866 : « L’armoire spirite, une heure dans les ténèbres, exécutées et démontrées en pleine lumière, microscope », le 23 mai 1866 : « Expériences sur l’acoustique, Les Oracles des temps antiques, le Sphinx ou la Tête parlante », le 26 mai et le 1er juin 1866 : « Tableaux, Spectres ».
Dans ce même organe de presse, on peut lire un compte-rendu très positif (ou commercial, c’est selon) :
« M. Robin a donné dimanche la première représentation des nouveautés qu’il nous avait annoncées.
Les nouvelles expériences scientifiques ont obtenu les bravos les plus chaleureux, et celles du magnétisme et du spiritisme dévoilés ont excité au plus haut degré l’admiration du public.
Nous devons placer en première ligne les effets merveilleux de la Chambre des mystères, effets qui dépassent tout ce que l’on peut imaginer, et démasquent complètement les exploiteurs du Spiritisme. Ce nouveau genre de spectacle est tellement extraordinaire et curieux, que nous lui prédisons un avenir au moins aussi long que celui des Spectres ».
Robin semble être le chantre d’un débinage à vocation pédagogique comme le sous-entend Le Gaulois (22 septembre 1886) : « (…) Le spirite Slade est un héros du jour. Ce descendant des frères Davenport, d’amusante mémoire, occupe plusieurs de nos confrères. Sa fantastique et lourde ardoise est commentée comme un discours de M. de Bismarck. M. Slade, cela va sans dire, n’est pas un convaincu; c’est simplement un malin. Les frères Davenport, ces adroits farceurs qui autrefois, passionnèrent la foule avec leurs casseroles tapageuses et leurs armoires impénétrables, eurent maille à partir avec un nommé Robin, prestidigitateur amusant, qui avait ouvert une Salle de magie à l’instar de Robert-Houdin, sur l’ancien Boulevard du Temple. C’est ce Robin qui, un des premiers, a exploité le truc des spectres, dont on s’est servi au Châtelet. Robin montrait exactement ce que les frères Davenport exhibaient à la Salle Herz ; puis il dévoilait ensuite au public croyant, les trucs que lui et ses confrères employaient. Il y eut quelques séances tumultueuses ».
Henry Slade, 1835-1905, se présentait comme un médium américain, inventeur des ardoises spirites. Son répertoire ou ses capacités, c’est selon, se basait sur des coups frappés par les esprits, des écritures, voire des signes, sur des ardoises, des tables lévitées.
Ses démonstrations lui valent de parcourir les routes de l’Amérique, reproduisant régulièrement ses « énigmatiques » exploits. Il part à la conquête de l’Europe en 1865, où ses séances le mènent devant les principales Cours dont celle de l’Empereur Napoléon III. En Allemagne, il résiste aux tests du scientifique Zolner (1834-1882, professeur d’astronomie physique à l’Université de Leipzig) et l’abuse avec ses ardoises spirites. Cette mystification entraîne une suspicion accrue déclenchant son arrestation à Londres, en 1876, pour fraude et tromperie, sur l’instigation d’un grand professionnel de la scène magique, le prestidigitateur et inventeur John Nevil Maskelyne qui démasque ses stratagèmes. Le succès et la gloire se dissipent à cause d’une gestion désastreuse de ses gains, des vols et des agressions à répétition sur sa personne, précipitant sa chute. Il meurt dans la misère et l’anonymat, le 8 septembre 1905, dans le sanatorium Phelps à Battle Creek dans l’Etat du Michigan.
Le 1er mai 1866, un chroniqueur de cette même revue, semble trouver le leitmotiv des spectacles de Robin : « Vulgariser la science est le mot d’ordre du Théâtre Robin ».
Des chroniqueurs s’amuseront rétroactivement de ses habitudes : dans le quotidien Le Gaulois du 6 mars 1874, on peut lire cette brève assez humoristique (alors qu’il s’agit pourtant d’annoncer un décès) relative à la période de gloire du théâtre : « (…) On annonce la mort du prestidigitateur Robin, qui fit il y a quelques années courir Paris entier au Boulevard du Temple, avec son exhibition. Ces apparitions étaient obtenues au moyen d’un jeu de lumières et de glaces qui frappait deux comparses de notre nécromancien, habillés, grimés et stylés pour la circonstance. Le spectacle fini, vers minuit, à l’heure des crimes, on pouvait voir le directeur sortir de son théâtre en compagnie de ses ombres fidèles. On se figurait qu’il allait les renterrer au Père-Lachaise.
Eh bien non !
Ils entraient dans un café voisin et prenaient des bocks en famille.
Un jour, il y avait dans l’établissement un garçon, nouvellement arrivé, qui ne connaissait pas ces personnages d’outre-tombe. Robin renouvelait ses instructions à ses deux évoqués :
- « Vous, disait-il, il faut vous présenter d’un air plus sinistre et tenir le poignard d’une main ferme plus ferme. Quant à vous, dressez-vous lentement, agitez le suaire, offrez votre poitrine au coup qui vous menace ».
Le nouveau garçon écoutait. Un frisson souleva sa chevelure.
« Je ne sais pas ce que c’est que ces gens-là », dit-il en rejoignant ses camarades; mais je vais toujours chercher un sergent de ville ».

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